Politique

Oligui Nguema : Un révolté dans le système

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Brice Clotaire Oligui Nguema est un militaire de carrière…

qui a mis à profit son éducation et son expérience pour décider de reprendre en main la destinée du Gabon. A son éthique de soldat s’ajoute une discipline personnelle, un travail acharné et méticuleux, une dévotion à son pays et une capacité à communiquer avec les chefs d’Etat et avec les gens ordinaires.

L

a médiocre sonnerie du téléphone avait crépité brutalement, en plein midi, dans une salle de rédaction parisienne où des journalistes aigris se disant chacun des spécialistes de l’Afrique étaient en conférence. C’était un de ces vieux appareils à cadran rotatif considérés à l’époque (février 1982) comme à la pointe
des avancées technologiques. De son air toujours surpris et inquiet, le rédacteur en chef avait décroché le combiné et répondu à l’interlocuteur au bout du fil en quelques mots : « Oui. Oui. Ah bon ?… Non. Non. Au
revoir. »

UNE FARCE TROPICALE

Puis, ayant raccroché, son visage s’était détendu. Il avait allumé une cigarette en souriant et informé ses collaborateurs que l’appel provenait du leader de l’opposition centrafricaine Ange-Félix Patassé, qui non seulement l’informait de sa décision de faire un coup d’Etat dans son pays mais l’invitait à le rejoindre à Bangui dès le lendemain pour vivre et couvrir cet « événement historique » en direct sur le terrain… L’homme
n’était pas n’importe qui : plusieurs fois ministre au milieu des années soixante dans les gouvernements du président Jean-Bedel Bokassa, il fut également Premier ministre en 1976-1978 lorsque le chef de l’Etat s’était déclaré empereur. « C’est encore une farce tropicale », avait commenté le rédacteur en chef en tirant goulûment sa première bouffée de cigarette.

Et d’ajouter : « Qui pourrait envisager sérieusement un vrai coup d’Etat et s’amuser à téléphoner à l’avance à des journalistes pour les prévenir et les inviter, alors même que son téléphone est probablement sur écoute ?
Décidément nous autres les Bantous, nous sommes de plus en plus fous. Nous parlons trop. Et pour dire des bêtises ! »

LA FARCE DEVIENT RÉALITÉ

La salle avait éclaté de rire. Les journalistes autour de lui s’esclaffaient à gorge déployée.
Dans ce lieu où ils étaient mal payés et maltraités, ils avaient peu d’occasion de se détendre l’esprit. Puis l’on était passé à autre chose et la réunion avait repris son cours.

Sauf que trois jours plus tard, un entrefilet paru dans le quotidien français Le Monde annonçait une tentative manquée de coup d’Etat en République centrafricaine ! Le rédacteur en chef lisait les médias aux oreilles médusées de ses journalistes. Ce jour-là, personne n’avait éclaté de rire dans la salle de rédaction… D’après les informations disponibles, Ange-Félix Patassé avait effectivement collaboré avec le militaire François Bozizé pour lancer un putsch contre le général alors au pouvoir à Bangui, André Kolingba. Informé à l’avance du plan par plusieurs journalistes, Kolingba les attendait de pied ferme. Les deux politiciens félons n’avaient eu la vie sauve que par chance.
Dissimulé dans un déguisement baroque, Ange-Félix Patassé avait pu se réfugier à l’ambassade de France à Bangui, d’où il avait été exfiltré vers le Togo, après intercession du président François Mitterrand…

François Bozizé
Ange-Félix Patassé
André Kolingba

Brice Clotaire Oligui Nguema n’est pas le genre de personne qui prépare un coup d’Etat et l’annonce à l’avance aux journalistes.

LE COUP D’ETAT PARFAIT

Le général gabonais Brice Clotaire Oligui Nguema a beau être un Bantou bon teint comme Ange-Félix Patassé, il n’est pas le genre de personne qui prépare un coup d’Etat et l’annonce à l’avance aux journalistes. Il gère bien mieux son ego. Il est entré dans les futurs livres d’histoire du Gabon mais aussi dans l’imaginaire
africain en organisant clandestinement mais sous les yeux de tous, un coup d’Etat parfait : celui du 30 août 2023 (« Coup de la Libération »), qui a mis fin à cinquante-cinq ans de contrôle du pouvoir par la dynastie Bongo Ondimba dont il fut pourtant un acteur majeur

A 50 ans, il est toujours d’une fraîcheur physique qui étonne.

Contrairement aux putschistes centrafricains, Brice Clotaire Oligui Nguema a mobilisé des éléments-clés dans tous les corps stratégiques des armées gabonaises sans éveiller le moindre soupçon et est parvenu
à terrasser un régime solidement implanté sans tirer le moindre coup de feu, sans assassiner ni blesser personne. Une prouesse analytique et opérationnelle et un cas d’étude que l’on enseignera sans doute pendant de nombreuses décennies dans les académies militaires du monde entier.

Cet homme ardent dont les yeux inquisiteurs et le regard pointu traversent sans vergogne l’âme de ses interlocuteurs, écoute intensément et ne dit jamais rien qu’il n’avait pas prévu de dire. A cinquante ans, il est
toujours d’une fraîcheur physique qui étonne ceux qui le rencontrent, donnant l’impression d’en avoir vingt de moins et de « sortir d’un bon sauna » selon le mot d’un diplomate français de Libreville

DISCIPLINE INDIVIDUELLE DE FER

Le secret de sa jouvence tient d’abord à la discipline de fer à laquelle il soumet son corps. Soldat formé à l’Académie royale de Meknès, au Maroc, il a appris très tôt qu’un esprit sain ne peut vraiment s’épanouir et maximiser son potentiel sans bénéficier de l’enveloppe d’un corps sain. Le sport est pour lui bien plus qu’un
moyen de se maintenir en santé : c’est une hygiène de pensée et de comportement. Il le perçoit et le pratique comme un art de vivre. Il adore le football et le volleyball, expliquant à ses amis que les sports
collectifs notamment préparent l’âme humaine à l’humilité et au réalisme : humilité parce que l’on y apprend que le seul vrai compétiteur de chaque personne, c’est soi-même ; en toute situation, l’on peut parvenir à vaincre ses concurrents et adversaires, mais l’impossible victoire est celle que l’on poursuit constamment en repoussant ses propres limites.

Le général Nguema s’astreint toujours à maintenir sa forme physique.

Le sport est pour lui bien plus qu’un moyen de se maintenir en santé : c’est une hygiène de pensée et de comportement.

Aux yeux de Brice Clotaire Oligui Nguema, le réalisme des sports collectifs tient au fait que l’on peut avoir d’excellentes individualités dans une équipe, mais les résultats d’un groupe, d’une patrouille, d’une brigade ou d’un gouvernement, dépendent aussi des performances des personnes les moins talentueuses qui en font partie. D’où l’impératif de travailler constamment en équipe et d’aider systématiquement les maillons
les plus faibles, et cela même si l’on est individualiste. Il rappelle parfois ce proverbe africain : « Si tu veux aller vite, marche seul, à tes risques et périls ; mais si tu veux aller loin, marchons ensemble. »

Le général Nguema a réalisé un coup d’Etat parfait en août 2023.
MÉTHODIQUE ET MINUTIEUX

Méthodique et minutieux, l’homme qui préside désormais aux destinées du Gabon est connu pour accorder à toute chose le grand degré d’attention que celle-ci mérite. Dans ses fonctions de chef de corps adjoint du Groupement d’intervention parachutiste (2009-2014), de diplomate attaché militaire près la Haute représentation du Gabon, au Sénégal, avec compétence sur la Côte d’Ivoire, le Mali et le Burkina Faso (2014-2019), de directeur général des services spéciaux (2019), de général de brigade et commandant en chef de la Garde républicaine (2021-2023), et surtout de chef d’Etat pendant la transition (2023-avril 2025), Brice Clotaire Oligui Nguema a toujours surpris ceux qui ne le connaissaient pas en accordant une importance
quasi chirurgicale à tous les aspects des dossiers qu’il juge importants.

Le président Nguema a occupé de nombreuses fonctions militaires et stratégiques avant de devenir général.

Boulimique de travail, il a souvent désarçonné ses collaborateurs en étant la personne la mieux préparée pour chaque réunion. Il est généralement le seul à avoir lu tous les dossiers en discussion, et ses questions précises embarrassent les paresseux. Cette obsession de tout comprendre, tout savoir, de maîtriser les détails techniques de sujets parfois éloignés de son domaine de formation, est redoutée par les officiers supérieurs proches de lui et les dirigeants des grandes institutions nationales avec lesquels il communique régulièrement.
Parfois, elle fait rire les membres de la famille du président gabonais, qui le taquinent constamment sur le fait d’être un « stakhanoviste zélé » sur les sujets les plus inattendus.

Travailler constamment en équipe et aider systématiquement les maillons les plus faibles.

GÉNÉRAL-PRÉSIDENT ET DANSEUR DE HIP-HOP

Exemple : Brice Clotaire Oligui Nguema est un amoureux de la musique et de la danse moderne. Comme il ne ménage jamais ses efforts pour maîtriser ce qui l’intéresse, il a consacré parfois des heures, dans l’intimité
de sa résidence, à observer, à apprendre et à pratiquer la danse hip-hop. Ceux de ses proches qui se moquaient de lui en le voyant étudier patiemment et s’entraîner à exécuter cette danse saccadée sur le
rythme rapide de la célèbre chanson « I got the power ! » (J’ai le pouvoir !) du groupe allemand Snap! ont
cessé de rire lorsque le président de la transition a séduit les foules de jeunes lors de ses meetings de
campagne début avril à Libreville.

Il a consacré des heures à observer, à apprendre et à pratiquer la danse hip-hop.

Montant sur scène avec une casquette vissée sur la tête comme un chanteur de rap noir-américain, le président de la transition avait défié avec succès les artistes professionnels, prouvant qu’il était lui aussi un grand danseur et suscitant les applaudissements nourris de ses partisans.
Les clips vidéo de ses prestations ont fait le tour du monde, suscitant le buzz sur la toile… Le 3 mai, jour de sa prestation de serment en tant que président élu du Gabon, son homologue congolais Denis Sassou Nguesso lui a dit avoir été impressionné par ses talents de danseur, ajoutant qu’il est probablement le seul chef d’Etat au monde de formation juridique et militaire (Oligui Nguema est titulaire d’une licence en sciences juridiques
et d’un diplôme militaire de chef de section infanterie de l’Académie royale de Meknès) à pouvoir danser comme Michael Jackson…

Le général Nguema s’investit dans tout ce qu’il fait, y compris la danse moderne qu’il pratique.
HOMME DE FOI QUI CROIT EN LA VOLONTÉ DE DIEU

Homme très pieux, le nouveau président gabonais avait surpris ses compatriotes dès son tout premier discours à la nation le 4 septembre 2023 – cinq jours seulement après le Coup de la Libération. « Je voudrais
commencer cette allocution en adressant d’un cœur reconnaissant une action de grâce au Dieu tout-puissant »
, avait-il déclaré dans son uniforme de soldat. « C’est grâce à ses bontés sans cesse renouvelées pour notre pays le Gabon que nous pouvons fièrement nous tenir ici ce matin dans cet hémicycle du Palais de la rénovation. Ce même Dieu, qui nous a parlé le matin du 30 août 2023, et qui continue de nous parler, est celui qui a conduit nos pas jusqu’ici.
Permettez-moi de rappeler à votre souvenir les paroles prononcées par feu le président Omar Bongo dans cette salle, au terme de 42 ans de règne après feu le Président Léon Mba, premier président du Gabon : « Dieu ne nous a pas donné le droit de faire du Gabon ce que nous sommes en train de faire, il nous observe. Il dit : « Amusez-vous. Le jour où il voudra aussi nous sanctionner, il le fera ». Cette phrase remplie de sagesse était en réalité la voix de Dieu qui a fini par accomplir sa volonté pour le peuple gabonais aujourd’hui ».

Le président Nguema est également très croyant et mentionne Dieu dans ses discours.

Le nouveau président gabonais avait commencé son allocution en adressant une action de grâce à Dieu.

Nul ne s’attendait à de tels propos, dignes de l’homélie d’un prêtre. Un haut gradé de l’armée, auteur d’un coup d’Etat et qui proclame si vertement sa foi dès le début du premier discours de sa carrière politique ? Un officier supérieur qui s’exprime comme s’il lisait des versets bibliques ? Un général ayant renversé un régime autoritaire redouté par tous les citoyens et n’ayant aucune honte à dire devant les caméras de télévision du monde entier sa dévotion au Tout-Puissant ? Un chef d’Etat nouvellement installé de force à la magistrature suprême et qui ne se prend pas pour Dieu lui-même ? Qui l’eût cru ? C’était sans précédent. Les Gabonais ont apprécié l’humanité et la modestie de l’homme.

PATRIOTE ET AMOUREUX DE SON PAYS

Brice Oligui Nguema a impressionné ses compatriotes par la démonstration de son patriotisme. Cela a été noté car l’amour du pays semble une vertu rare chez certains dirigeants africains. Le nouvel homme fort de Libreville a démontré sa sincérité sur ce chapitre. Lui qui aime les symboles et qui a le goût de la mise en scène, a choisi le jour de son anniversaire (le 3 mars) pour dévoiler sa vision pour le Gabon. « C’est avec beaucoup d’émotion et de gravité que je m’adresse à vous en ce jour exceptionnel marquant mon cinquantième anniversaire afin de vous décliner mes profondes aspirations pour le Gabon, a-t-il déclaré,
attirant immédiatement l’attention de tous. Oui, aujourd’hui, notre nation se trouve à un tournant décisif de son histoire.
Pendant longtemps, nos richesses n’ont profité qu’à quelques-uns, laissant la majorité dans l’attente d’un avenir meilleur. Il est temps de rebâtir notre pays sur des fondations solides, justes et durables. A 50 ans, je me sens prêt à relever ce défi avec vous à mes côtés. En effet, lors de notre prise de pouvoir, nous avons trouvé notre pays en difficultés structurelles, organisationnelles et sociales. Notre volonté est de corriger les insuffisances, de réorganiser notre mode de gouvernance, de réorienter la stratégie économique en misant sur le paiement de notre dette, l’augmentation des recettes fiscales, la création d’emplois et l’amélioration des infrastructures, nous l’avons fait ! ».

Le président Nguema, le 3 mars 2025 lors de son allocution détaillant sa vision pour le Gabon.

Brice Oligui Nguema a impressionné ses compatriotes par la démonstration de son patriotisme.

UNE ÉTHIQUE DE SOLDAT

Contrairement à l’ancien monarque français Louis XIV qui avait déclaré « l’Etat c’est moi », le président gabonais pense que « l’Etat, c’est nous tous ».
Sa volonté presque obsessionnelle d’inclure le plus grand nombre de leaders politiques de divers bords dans la gestion de ce qu’il appelle « le Gabon nouveau » découle de l’éthique de soldat que lui a inculquée son père (lui-même officier de l’armée) et de son éducation sociale et politique. Né à Ngouoni dans la province du Haut-Ogooué (Sud-Est), il a grandi dans diverses régions, complétant ses études secondaires à Port-Gentil (Ogooué-Maritime) et effectuant l’essentiel de sa carrière dans la capitale (Estuaire). Il a tissé de solides amitiés dans tous les groupes ethniques et dans toutes les classes sociales. Ayant passé huit ans (2001-2009) aux côtés du président Omar Bongo Ondimba comme le principal responsable de la sécurité du
chef de l’Etat, il a observé de près le patriotisme de son mentor et développé sa propre démarche d’inclusion.

Le président Nguema a servi pendant neuf ans le président Omar Bongo, qu’il accompagnait ici lors d’une visite à l’Elysée en 2008.

Le président gabonais pense que : « l’Etat, c’est nous tous. »

EXCELLENT COMMUNICANT

Brice Clotaire Oligui Nguema sait communiquer avec emphase, philosophie et mystère quand il l’estime nécessaire, ou dans un langage direct, simple et presque familier pour surprendre son audience, n’hésitant pas à en appeler à la foi religieuse de ses compatriotes : « S’il est vrai que c’est en militaire que j’ai pris le pouvoir, avec l’aide de Dieu, guidé par le devoir de restaurer la dignité du peuple gabonais et de protéger notre nation en des temps difficiles, c’est en simple citoyen, avec humilité et détermination, que je veux poursuivre cette mission, dit-il. Mais avant tout, c’est en patriote que je m’engage, avec un amour profond pour notre pays et un respect sincère pour vous, mes compatriotes. » Le président gabonais sait qu’il aura besoin du soutien de tous, car la tâche qui l’attend est énorme.

Il a tissé de solides amitiés dans tous les groupes ethniques et dans toutes les classes sociales.

« Notre nation est à un tournant décisif de son histoire », estime le président Nguema.

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