Société

Diomaye Faye en quête d’idées neuves

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Face au défi quasi insurmontable de parvenir à assurer un avenir à tous ses concitoyens,…

le nouveau président du Sénégal, Bassirou Diomaye Faye, est tiraillé entre le besoin d’investissements et de crédit, et l’impossibilité de recourir aux déficits budgétaires. C’est le dilemme de toute l’Afrique ramené à un seul pays. Toutes les idées sont les bienvenues pour résoudre cette impossible équation.

Le drame s’est produit le 8 septembre alors que le président Diomaye Faye effectuait un long périple en Asie. Une embarcation de fortune avec plus de 150 passagers à bord a chaviré au large de la ville de Mbour, à une centaine de kilomètres au sud de Dakar. La pirogue fatiguée avait quitté l’une des plages de Mbour la veille en direction des îles Canaries. Elle a coulé après trente minutes à peine de navigation, à moins de trois kilomètres des côtes sénégalaises, engloutissant des dizaines de personnes. La marine sénégalaise n’avait pas fini de repêcher les cadavres de ces candidats à l’émigration que deux autres deux pirogues similaires étaient interceptées, avec à leur bord plus de quatre cents personnes dont une vingtaine d’enfants…

NOUVEAU DRAME DE L’ÉMIGRATION SAUVAGE

Ce drame de l’émigration sauvage n’est ni le premier ni le dernier. Le président Diomaye Faye qui s’est entretenu au téléphone avec son Premier ministre et ami, Ousmane Sonko, ne lui a pas caché son émotion et sa frustration. Emotion pour les familles des victimes dont les corps ont été entassés à la morgue de Mdour, non loin de la plage. Frustration face à son incapacité d’homme politique à juguler ce flot de candidats désespérés au départ.

Pendant des années, ils avaient promis tous les deux au peuple sénégalais de trouver des solutions à ce problème. Ils avaient critiqué les politiques publiques du président Macky Sall, qui n’offraient ni débouchés ni perspectives aux jeunes Sénégalais. Or, depuis l’élection de Diomaye Faye à la présidence de la République en avril et la nomination d’Ousmane Sonko à la primature, il ne se passe pas une semaine sans l’annonce d’un nouveau naufrage d’une pirogue surchargée de jeunes Sénégalais ayant perdu tout espoir en leur pays et prêts à mourir noyés dans l’océan Atlantique plutôt que de rester au pays à attendre que les nouveaux dirigeants leur proposent des alternatives d’avenir.

UN NOUVEAU CODE DU TRAVAIL

Ce d’autant que les promesses faites par le nouveau président sénégalais au cours de sa courte campagne électorale étaient demeurées plutôt générales, quand elles ne se limitaient pas à des aménagements règlementaires, à des changements institutionnels et à des professions de foi. Observant que le monde de l’entreprise avait évolué récemment, le duo Diomaye-Sonko écrivait dans sa plate-forme : « Le Code du travail actuel [qui date du 1er décembre 1997] ne répond plus aux exigences de compétitivité des entreprises et de l’environnement des affaires ».

Leurs nouvelles idées pour booster la création d’emplois ? D’abord, l’amélioration de la qualité des données statistiques. « Nous doterons l’ANSD [Agence Nationale de la Statistique et de la Démographie] de moyens financiers et humains suffisants pour lui permettre de fournir des données statistiques fiables, afin de suivre et de corriger l’évolution du secteur du travail et de l’emploi des jeunes, des femmes et des moins jeunes et de mesurer réellement la masse de jeunes qui arrivent sur le marché du travail. »

AUGMENTER LE BUDGET DU MINISTÈRE DU TRAVAIL

Ceci s’accompagnera de l’harmonisation des agences gouvernementales autour de l’entrepreneuriat et de l’emploi des jeunes et de l’augmentation substantielle du budget du ministère du Travail et de l’Emploi. L’idée est d’avoir une seule agence gouvernementale portant les politiques d’emploi – dénommée la Grande Agence Gouvernementale sur l’Emploi et le Travail (GAGET) – ainsi qu’un bureau du « suivi-évaluation. »

Ensuite, les autorités de Dakar voudraient mettre en place un ambitieux programme d’accompagnement des jeunes diplômés. Ce programme « Gungé » accompagnera l’insertion des diplômés de l’enseignement technique, la formation professionnelle et soutiendra l’auto-emploi. Le gouvernement voudrait ouvrir aussi la Maison des Entreprises Régionales (MER), des espaces de coworking pour les autoentrepreneurs, et créer un régime de protection et d’assurance sociale des entrepreneurs. Et pour lutter contre la pauvreté, l’exclusion et la vulnérabilité, « afin de permettre à toutes les couches de la population de mener une vie digne », un autre Programme national de solidarité est à l’étude, de même que la création d’un Fonds national de solidarité.

D’autres initiatives sont annoncées, telles que le Programme de développement de l’économie sociale et solidaire pour la création de richesses immédiates (PRECOSOL), dont les contours sont encore incertains ; le Projet d’appui au développement social local ; ou le projet unifié de cartographie et d’orientation des infrastructures socioéconomiques de base (PUCIS) pour rationaliser les interventions à la base.

LA MICROFINANCE POUR RÉDUIRE LE CHÔMAGE

Enfin, le gouvernement voudrait faire de la microfinance un levier de réduction du chômage et de la pauvreté. « Nous mettrons en place un dispositif de couverture universelle de financement de la production et des acteurs du secteur informel à travers un Fonds d’appui à la production des acteurs à la base via un mécanisme de financement revolving de l’État et un montant déposé dans les institutions de microfinance pour un financement orienté et ciblé », prévoit le projet Diomaye-Sonkho. Pour sensibles que soient ces idées, elles doivent être davantage précisées dans les mois à venir, notamment après la publication du discours de politique générale du Premier ministre Ousmane Sonko devant l’Assemblée nationale.

DES POLITIQUES MONÉTAIRES POUR STIMULER LA CROISSANCE

Sur le plan macroéconomique, le président Diomaye Faye a déjà bien noté que la capacité de son pays à mettre en œuvre des politiques monétaires et budgétaires qui stimuleraient véritablement la croissance et la création d’emploi est très limitée. Alors que pendant et après la pandémie du Covid-19, les gouvernements et les banques centrales dans le monde ont adopté des mesures de relance à court terme solides et souvent sans précédent, la plupart des pays africains n’ont pas pu le faire ; car ils ne disposent pas de marges de manœuvre sur le plan budgétaire ou sont liés par des accords monétaires qui les empêchent de mettre en place des stratégies nationales.

Le Sénégal est membre de la zone franc et ne peut initier de politique monétaire souveraine. Sur le plan de la politique budgétaire et de l’endettement, ses programmes sont étroitement circonscrits et surveillés par ses accords avec le Fonds monétaire international, qui ne se préoccupe en réalité que de résorber les déficits publics, et non de mettre en œuvre des mesures pour atteindre et préserver sur plusieurs décennies les 7 à 10% de taux de croissance annuelle nécessaires pour réduire la pauvreté, créer des emplois décents, et convaincre les jeunes Sénégalais de rester au pays plutôt que d’aller se noyer en mer dans des pirogues de fortune.

BESOIN IMMÉDIAT DE TRÉSORERIE

A court terme, le Sénégal a besoin d’une plus grande marge budgétaire pour augmenter considérablement ses dépenses d’éducation, de formation et de santé et relancer la consommation intérieure. Parallèlement, la Banque centrale des Etats de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO) devrait à la fois baisser l’inflation qui a frappé le pays depuis la pandémie, tout en s’assurant que les entreprises et les ménages aient mieux accès au crédit bancaire. Mais toutes les politiques de dépense doivent être menées dans la transparence, contrôlées par exemple par des conseils budgétaires indépendants et complétées par des calendriers de réforme crédibles qui renforcent le cadre des dépenses à moyen terme.

Comment un pays à revenu intermédiaire comme le Sénégal, dont l’assiette fiscale et la capacité de mobilisation des ressources intérieures sont limitées par définition, peut-il financer son industrialisation ? Pour atteindre ses objectifs, le chef de l’Etat sénégalais pourrait organiser des réunions virtuelles d’urgence avec ses homologues de l’Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA) et de la CEDEAO pour réfléchir à la mobilisation des fonds publics et privés destinés au financement d’investissements productifs en Afrique de l’Ouest. Les nouveaux dirigeants sénégalais ont promis de réaliser une grande réforme monétaire qui pourrait même déboucher sur la création d’une monnaie nationale. Mais ils ont indiqué que cette décision ne serait pas immédiate et ne s’effectuerait que sous certaines conditions rigoureuses.

DILEMME BUDGÉTAIRE

L’économie sénégalaise se trouve actuellement confrontée à un dilemme : la demande globale (consommation et investissement) reste trop faible et rien ne permet de penser qu’elle augmentera suffisamment et assez rapidement pour offrir les possibilités d’emploi nécessaires pour réduire la pauvreté. Mais il est financièrement, économiquement et même politiquement difficile d’accroître les déficits publics, notamment en raison des contraintes des programmes du FMI ; et même si la BCEAO décidait de mettre en œuvre des politiques monétaires extrêmement souples, cela ne permettrait pas d’obtenir une croissance élevée et soutenue dans un contexte d’union monétaire où toutes les décisions doivent se prendre à l’unanimité et avec l’aval de la France qui détient le principal pouvoir au sein de la zone franc.

CRÉER UNE BANQUE DE DÉVELOPPEMENT DU SÉNÉGAL

Le Sénégal dispose donc d’une stratégie de financement du développement qui soutient la demande sans créer de déficits budgétaires insoutenables. Une solution efficace serait la création d’une véritable banque de développement au Sénégal.

Celle-ci permettrait d’atteindre simultanément deux objectifs : disposer du financement à long terme dont l’économie nationale a grand besoin et développer les infrastructures (énergie, transports, télécommunications, approvisionnement en eau), tout en maintenant un équilibre budgétaire durable. Une telle banque tournée essentiellement vers des crédits de moyen et long terme n’obligerait pas le gouvernement à augmenter ses emprunts de manière significative. Elle stimulerait la confiance en soutenant des projets et des programmes d’investissement à grande échelle et créateurs d’emplois. Ces investissements seraient opérés notamment par le secteur privé et des gouvernements locaux.

Le président Diomaye Faye a annoncé que l’industrialisation serait un de ses champs de bataille. Seule l’existence d’une ambitieuse banque de développement rigoureusement gérée permettrait de financer les besoins de nouvelles entreprises industrielles et le succès des zones économiques spéciales lancées depuis 2014 mais demeurées peu performantes.

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