Société

2025, une année charnière

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L’événement le plus important de l’année 2025 au Cameroun

sera l’élection présidentielle attendue au mois d’octobre. Après les scrutins législatifs et municipaux de 2020 puis les élections sénatoriales de 2023, tout est en place pour que les candidatures légitimes se manifestent. Le président Biya a indiqué son intention de poursuivre son travail au service du Cameroun avec un nouveau mandat présidentiel.

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uel que soit leur âge, les Camerounais adorent les vieux westerns. Leurs personnages truculents rappellent parfois les acteurs de la vie politique de Yaoundé…

Un de ces vieux films qui suscite des conversations entre Camerounais est « Règlements de comptes à O.K. Corral » de John Sturges. Sorti en 1957, ce film s’inspire de faits réels pour raconter le choc des ambitions, dans le cadre d’une histoire de trahisons, de duplicité, de vengeance et de courage. Tensions et suspense sont au rendez-vous.

UNE ÉLECTION PRÉSIDENTIELLE EN FORME DE RÈGLEMENT DE COMPTES

Pour de nombreux Camerounais, 2025 sera l’année des règlements de comptes, non pas à O.K. Corral mais à Yaoundé. Motif ? « Elle ouvre la voie à une nouvelle saison d’échéances politiques. Le calendrier électoral prévoit l’organisation de l’élection présidentielle et des élections régionales. Comme par le passé, ce sera un grand moment de la vie nationale. Saisissons cette opportunité pour consolider notre démocratie ». C’est le président Paul Biya lui-même qui l’a indiqué le 31 décembre dans son message de fin d’année.

Ces mots ont suffi pour exciter l’ambition de nombreux hommes politiques qui rêvent de présenter leur candidature et d’en découdre. « Le scrutin à venir sera un véritable règlement de comptes », lit-on depuis lors sur les réseaux sociaux.

Pour comprendre les enjeux électoraux et politiques de cette année charnière pour le Cameroun, ainsi que les implications potentielles pour l’économie du pays, ses défis sécuritaires et son positionnement sur la scène africaine et internationale, il faut remonter au début de l’année 2020, juste avant la pandémie du Covid-19, lorsque les leaders politiques des divers partis politiques ont pris des décisions qui ont révélé la qualité de leur jugement. Cette année-là, le pays avait organisé les sixièmes scrutins législatifs depuis le retour au multipartisme en 1991.

RETOUR SUR LES ÉLECTIONS LÉGISLATIVES ET MUNICIPALES DE 2020

Initialement prévus en septembre 2018, ils ont été plusieurs fois reportés pour être finalement couplés avec les scrutins municipaux. Ces élections sont intervenues dans un contexte marqué par des tensions politiques et sécuritaires imposées au pays par les djihadistes de la secte Boko Haram dans les régions du nord du pays, et surtout par un groupuscule de rebelles et de bandits armés sévissant dans les deux régions anglophones du pays (Nord-Ouest et Sud-Ouest) et prétendant imposer aux autorités de Yaoundé l’indépendance de cette zone.

Le président Paul Biya avait ordonné l’organisation d’un dialogue national, en septembre et octobre 2019, au sujet de cette crise pour en limiter les coûts humains, politiques, financiers et économiques. Cette rencontre mémorable présidée par le Premier ministre (lui-même anglophone) Joseph Dion Ngute avait débouché notamment sur l’octroi d’un statut spécial aux régions anglophones, qui sont les seules à avoir droit à des assemblées régionales. Cela a contribué à décrisper le climat politique.

LE RDPC GRAND VAINQUEUR DES SCRUTINS

Pourtant les élections législatives et municipales couplées de février 2020 (quelque quatre mois plus tard) avaient été marquées par l’absence de consensus entre les acteurs politiques quant à leur tenue. A la surprise générale, le Mouvement pour la Renaissance du Cameroun (MRC), dont le candidat Maurice Kamto était arrivé en deuxième position lors de l’élection présidentielle de 2018, avait décidé de boycotter le scrutin. Erreur grave, faute lourde. Le Rassemblement démocratique du peuple camerounais (RDPC, parti au pouvoir) avait raflé la mise en remportant 152 des 180 sièges. Il est suivi d’un de ses alliés, l’Union nationale pour la démocratie et le progrès (UNDP), qui gagne 7 sièges. Principal parti d’opposition représenté dans l’assemblée sortante, le Social Democratic Front (SDF) ne remporte que 5 sièges (contre 18 en 2013). Une victoire écrasante pour Paul Biya et ses partisans. Ces élections législatives et municipales de 2020 avaient bien plus d’implications que les précédentes. Car elles avaient été suivies par les élections sénatoriales de mars 2023, scrutin qui avait amplifié la mainmise du parti du chef de l’Etat sur la scène politique. En effet, conformément à la loi électorale prévoyant un scrutin au suffrage indirect, seuls les conseillers municipaux et régionaux sont appelés aux urnes pour voter. Autrement dit, les partis politiques comme le MRC de Maurice Kamto, qui avaient boycotté les scrutins législatifs et municipaux, n’ont pas eu d’électeurs pour participer aux élections sénatoriales. Résultat : le parti présidentiel a remporté l’ensemble des 70 sièges mis en jeu, et 30 autres sénateurs ont ensuite été désignés par le président de la République à raison de 3 pour chacune des 10 régions du pays. Beau joueur, Paul Biya s’est même permis de se montrer généreux et inclusif, nommant des sénateurs appartenant à des partis alliés au sien.

UNE LOGISTIQUE ÉLECTORALE COÛTEUSE

Puis, en juillet 2024, alors que les opposants qui piaffaient d’impatience et regrettaient d’avoir boycotté les législatives et les municipales de février 2020 se préparaient à entrer en campagne pour celles qui étaient prévues en 2025, le gouvernement a sollicité et obtenu l’accord du Parlement pour les reporter à mars 2026. Raisons invoquées : des contraintes financières et logistiques pour l’Etat et le coût élevé d’organisation de plusieurs élections nationales la même année : législatives, municipales, présidentielle et régionales. Cavayé Yeguié Djibril, le président de l’Assemblée nationale, l’a dit sans fioritures  : « Ces quatre consultations majeures auraient installé le Cameroun dans un cycle électoral permanent tout au long de la même année avec des implications sur le fonctionnement habituel du pays, sans compter le poids des charges financières ».

DES RÈGLES ÉLECTORALES PRÉCISES ET CLAIRES

Naturellement, cette prorogation d’un an du mandat des députés a jeté une lumière crue sur le bricolage politique des dirigeants du MRC, car la loi électorale prévoit aussi que seules les formations politiques ayant des élus locaux peuvent avoir un candidat à l’élection présidentielle. Selon François Wakata, le ministre chargé des Relations avec les Assemblées, « le MRC s’est autoexclu du jeu électoral en boycottant les élections locales de 2020… »

Certes, l’opposant peut se faire désigner candidat à l’élection présidentielle de cette année par un parti autre que le sien et qui a des élus locaux ou alors obtenir 300 parrainages des élus du parti au pouvoir. La deuxième hypothèse est improbable car l’on voit mal des élus du RDPC, solides partisans du chef de l’Etat, accorder leur signature à un adversaire de leur champion. La première hypothèse consistant à se faire désigner par un autre parti que le sien propre pourrait être remise en cause devant les tribunaux et les hautes juridictions chargées de l’élection. Cette incertitude concernant l’éligibilité de Maurice Kamto fait trembler certains de ses compagnons, qui diffusent avec acharnement des menaces sur les réseaux sociaux et promettent des « Règlements de comptes à O.K. Corral » au Cameroun en 2025…

LE PRÉSIDENT EN APPELLE À LA MATURITÉ DES ÉLECTEURS

Mais il s’agit, en réalité, de bruits inutiles. Le Cameroun est un pays paisible et une nation soudée, et il le demeurera. Il n’y aura donc pas de tensions excessives au-delà de l’agitation politique normale enregistrée à chaque grand rendez-vous politique. Dans son allocution du 31 décembre, le chef de l’Etat camerounais, qui anticipe toujours sur tout, s’était empressé de rappeler à ses compatriotes l’importance du moment : « J’en appelle à la maturité et à la responsabilité de tous les acteurs, a-t-il déclaré. Ils devront veiller à ce que le calme règne avant, pendant et après les élections… L’année 2025 qui commence s’annonce pleine de défis. Je ne doute pas un seul instant qu’en restant le peuple uni et soudé que nous avons toujours été, nous ne soyons en mesure de les relever ».

Avant les interventions télévisées présidentielles de décembre et de janvier, la seule véritable source d’inquiétude pour la plupart des Camerounais était de savoir si Paul Biya mettrait à exécution sa propre hypothèse d’un changement de priorité, exposée lors d’une conférence de presse à Yaoundé le 26 juillet 2022. Une journaliste française lui avait posé la sempiternelle question de l’alternance politique au Cameroun en 2025. La réponse du chef de l’Etat camerounais avait été forte, subtile et pleine d’humour : « Comme vous le savez, le Cameroun est dirigé conformément à sa Constitution, avait-il déclaré. Et d’après cette Constitution, le mandat que je mène a une durée de sept ans. Alors, essayez de faire la soustraction : 7 moins 4 ou 3, et vous saurez combien de temps il me reste à diriger le pays. Mais, autrement, ce sera su ; quand ce mandat arrivera à expiration, vous serez informé sur le fait de savoir si je reste ou si je m’en vais au village… »

PAUL BIYA À YAOUNDÉ OU AU VILLAGE ?

Cette réponse en forme de riposte fine et élégante avait cependant donné des idées à quelques hommes politiques camerounais parmi les plus ambitieux et les plus pressés. Ceux-ci croyaient que le discours de Paul Biya fin décembre marquerait peut-être le signe de ce « départ pour le village ». La question qui brûlait les lèvres était de savoir si le président voudrait bien continuer le combat pour le développement politique et économique du Cameroun, qu’il mène quasiment depuis ses années d’étudiant. La réponse a été claire, nette et sans ambages : « Oui, mes chers compatriotes, nous saurons, ensemble, comme par le passé, transformer ces défis en opportunités. Et nous continuerons, ensemble, notre marche déterminée vers le progrès, dans la sécurité et la paix. Je suis particulièrement sensible au soutien massif que vous n’avez cessé de m’apporter toutes ces années. C’est la raison pour laquelle je n’ai jamais ménagé aucun effort pour répondre à vos aspirations. Votre confiance m’honore et me sert de boussole dans l’action que je mène à la tête de notre cher et beau pays. Je puis vous assurer que ma détermination à vous servir demeure intacte et se renforce au quotidien, face à l’ampleur des défis auxquels nous sommes confrontés ».

UN ENVIRONNEMENT CHARGÉ DE DANGERS

Ces propos ont rassuré la grande majorité des Camerounais car ils savent que leur pays a certes réalisé d’importants progrès, surtout en ce qui concerne la stabilité politique, l’unité nationale, le vivre-ensemble dans le cadre d’une démocratie en formation. Il suffit d’ailleurs de voir les tourments dans lesquels sont plongés de nombreux autres pays voisins ou comparables. L’agenda international et national est surchargé de suffisamment de dangers pour que le Cameroun ne se risque à opter pour l’aventure de l’inconnu.

La guerre en Ukraine, les conflits au Proche-Orient, la morosité du marché des capitaux et des matières premières, les perturbations climatiques, les tensions inflationnistes et les fluctuations des cours du pétrole, ont ralenti les perspectives de croissance. Paul Biya l’a dit lui-même. Il s’est montré préoccupé par le chômage des jeunes, l’insuffisance de la fourniture en énergie électrique, dont l’importance pour le développement des activités économiques et la vie des ménages n’est plus à démontrer, et l’approvisionnement en eau potable constitue également un défi majeur que le gouvernement s’est attelé à relever ces dernières années, avec une détermination louable. Il a déploré aussi de nombreuses victimes du fait des catastrophes naturelles comme le drame de la falaise de Dschang et les inondations survenues dans la région de l’Extrême-Nord, qui témoignent des conséquences des changements climatiques.

REBOND DE L’ÉCONOMIE

Pourtant, en dépit de cet environnement difficile, l’économie camerounaise a enregistré un regain d’activité, avec un taux de croissance estimé à 3,8% en 2024, et projeté à 4,1% en 2025. Mieux : les autorités de Yaoundé ont désormais des plans sectoriels crédibles, des projets de développement bancables, et une stratégie de gouvernance efficace, fondée sur la lutte de plus en plus acharnée contre la corruption.

Les Camerounais savent donc que les défis auxquels leur pays doit continuer à faire face sont nombreux, et qu’il est absolument indispensable de pouvoir compter sur un leader de la trempe de Paul Biya, un homme qui a été maintes fois testé par les crises les plus inattendues et les plus violentes, mais qui a gardé la tête froide en tous les instants pour mener la barque Cameroun vers le bon port. Non, n’en déplaise aux amateurs des westerns, il n’y aura donc pas de Règlements de comptes à O.K. Corral-Yaoundé. Le président Paul Biya l’a dit : le Cameroun construit une démocratie apaisée.

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